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mode de travail du futur
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Future of work : comment penser les modes de travail de demain ?

Dans le sillage d'une révolution sociétale provoquée par l’IA, le monde du travail évolue à une vitesse fulgurante. Le "Future of Work" devient une réalité tangible qui redéfinit notre manière de faire société. Les entreprises sont aujourd’hui contraintes de repenser leurs approches, d'innover et de s'adapter pour rester compétitives afin d’attirer les meilleurs candidats. Mais ces évolutions touchent également les individus puisqu’elles questionnent l’origine et le but même du travail. En d’autres termes : pourquoi travaillons-nous et comment travailler mieux ? Dans cet article, découvrez les réponses et pistes de réflexion d’experts du Future of Work, issues de notre table ronde organisée sur le sujet.

 

Pourquoi travaille-t-on ?

Les leviers de motivation

Pourquoi nous-levons nous le matin ? En quoi le travail nous enrichit-il humainement ? Trois leviers de motivation peuvent amorcer des éléments de réponse :

  • l’environnement de travail, c’est-à-dire le lieu, l’atmosphère et les relations avec nos pairs ;
  • l’exécution de la tâche, c’est-à-dire le fait même de réaliser notre métier ;
  • la mission, c’est-à-dire de se sentir investi par un objectif qui s’étend au delà de notre métier (mission souvent d’ordre sociétal comme l’engagement pour l’environnement ou en faveur de l’égalité pour tous).

Il est intéressant de constater qu’aucun de ces leviers n’est partagé unanimement par l’ensemble des travailleurs. Chaque individu est sensible à l’un ou l’autre de ses leviers, selon des raisons tout à fait personnelles. Les artisans seront, par exemple, davantage motivés par la tâche puisque la nature de leur métier constitue l’exécution de ladite tâche. Les travailleurs qui utilisent massivement le numérique dans leur quotidien seront peut-être davantage animés par leur environnement de travail (ex : la vie d’équipe) ou la mission de l’entreprise.

Comment nourrir ces différents besoins quand il existe une telle pluralité de motivations ? Samuel Durand, auteur des documentaires Work in Progress, partage la vision suivante :

Le rôle de l'entreprise est de créer un environnement propice où chacun peut saisir ses leviers de motivation. (...) Pour certains, c’est évident, pour d’autres, ce n’est pas aussi tangible. Cela peut expliquer qu’on peut se sentir désaligner par moment. Peut-être que l'un des rôles du manager est d'aider à faire accoucher ces leviers de motivation et à les accentuer pour permettre aux collaborateurs de se sentir plus engagés.

Relier son quotidien à une mission

Alors de fait, s’engager pour “une mission” est un levier essentiel de motivation pour de nombreux collaborateurs. On pourrait même se référer à un terme qui a très vite émergé après la période Covid : la quête de sens. Où chercher ce sens ? Comment se connecter à cette mission ?

En anglais, il existe deux termes pour mieux définir l’idée : “meaning” se rapporte à l’échelle individuelle ; “impact” se réfère davantage à l’entreprise. Les individus peuvent à la fois chercher davantage de sens dans leur parcours (se sentir utiles) mais ils peuvent également vouloir apporter leur contribution à la société (venir en aide aux populations défavorisées, par exemple). Après tout, certains travailleurs souhaitent légitimement voir leur travail bénéficier aux autres citoyens. C’est notamment le cas de Christophe Roblin, Responsable de Projet Future of Work chez Orange :

"C'est cette mission supérieure de l'entreprise qui nous guide. Comment on est tous, non pas toujours derrière un sherpa ou une personnalité qui peuvent effectivement être utiles pour mener la mission, mais bien derrière une vision. Une vision de l'entreprise qui va résoudre des problèmes ou en tout cas amener de l'innovation pour les citoyens.”

Mais dans la pratique, comment cela peut s’incarner ? La communication et la transparence sont des premières pistes ! C’est effectivement au collaborateur de trouver la mission qui résonne, mais les entreprises récolteront un plus large engagement des collaborateurs dès lors qu’elles feront davantage rayonner leur utilité publique pour la société.

Jusqu’où repenser notre conception du travail ?

Le contrat est-il devenu une simple modalité ?

CDI, freelancing, slashing… Les travailleurs ont aujourd’hui l’embarras du choix. Même si le CDI reste encore la norme pour les travailleurs et les entreprises, l’avènement du freelancing a poussé ces dernières à s’interroger sur la nature du contrat de leurs collaborateurs. Charly Gaillard, Fondateur de Beager et ancien freelance, l’a constaté ces dernières années : "les entreprises sont davantage prêtes à accueillir des freelances et à les faire travailler" au sein de leur structure.

Au delà de la binarité freelance/CDI, les profils "slashers" sont de plus en plus fréquents, surtout parmi les jeunes générations qui ne se satisfont plus du CDI comme critère de réussite sociale. Christophe Roblin ajoute même à ce sujet :

“Il y a une communauté de slashers qui est en train de se créer. Aujourd’hui, en entreprise, il y a les CDI, les CDD, les slashers, les freelances, pourquoi pas des managers de transition... Finalement, on ne va plus se demander la nature de notre statut. Cela n’est plus un sujet.”

La diversité de ces profils s’explique notamment par une expansion de divers modes de travail nettement marquée ces dernières années. On le constate, par exemple, avec les salariés qui deviennent freelances pour gagner en flexibilité dans leur quotidien et ce, dans une divergence marquée avec le salariat tel qu’il est conçu aujourd’hui. Et si ce n’était pas justement l’occasion de questionner les principes du salariat tel qu’il est exécuté aujourd’hui ? Kevin Bouchareb, Directeur Groupe de la Stratégie RH et du Futur du travail chez Ubisoft, alerte sur cette nécessité :

"Ce n'est pas parce qu'on est soumis à un contrat de subordination, qu’il est nécessairement indispensable de cadrer le temps, le lieu et les modalités d'actions au travail. On peut tout à fait s’en libérer, tout en restant dans une modalité de subordination."

Il n’est donc pas question d’abandonner le salariat mais de le repenser de telle sorte à ce qu’il offre un cadre sécurisant, sans cloisonner toute liberté du travailleur. Cela va même jusqu’à questionner le principe de gouvernance des entreprises. Certaines s’orientent vers une gouvernance horizontale, où les collaborateurs peuvent prendre davantage part aux décisions et devenir des intrapreneurs. Les entreprises peuvent également s’unir avec des partenaires (concurrents, institutions publiques, autres entreprises…) pour créer des synergies autour d’objectifs communs.

La productivité est-elle corrélée à la quantité d’heures travaillées ?

Parmi les innovations les plus évoquées des derniers mois, la semaine de 4 jours est de plus en plus plébiscitée. C’est une réponse concrète à une problématique qui encombre une majorité de travailleurs, la surcharge cognitive. À force de multiplier les tâches et de se laisser envahir par les incessantes notifications (chat, emails, outils…), on peut se demander si la productivité des travailleurs est toujours au rendez-vous. Caroline Loisel, conférencière, autrice et fondatrice de Be Birds est formelle :

"On pense qu'on est productif alors qu'aujourd'hui, on ne l'est pas. Les travailleurs d’aujourd’hui sont frustrés car ils n'ont plus le temps de travailler utile. Les forcer à réduire leur nombre d'heures va les obliger à se demander "qu'arrête-t-on de faire qui n'est pas utile ?"

L’organisation, la priorisation et le relai entre les équipes sont les premiers sujets impactés par la semaine de 4 jours. Est-ce une semaine de 32h ou 28h heures ? Est-ce le même jour chômé pour tous ? Quelles pratiques terrain si les équipes ne sont pas suffisamment nombreuses pour remplacer tel ou tel métier ? La semaine de 4 jours questionne nécessairement les pratiques de management. Delphine Zanelli, conférencière, formatrice, facilitatrice et créatrice du podcast “L’entreprise de demain” revient sur LDLC, l’exemple français de la semaine de 4 jours qui rencontre un franc succès sur cette mise en place :

"Il faut une très grande maturité managériale pour enclencher des changements comme la semaine de 4 jours. Je connais beaucoup d'entreprises, petites ou grandes, qui ne sont pas assez matures."

En d’autres termes, si les managers accompagnent cette transformation pour assurer le bien-être des collaborateurs, cette méthode fonctionne. Si, au contraire, cette pratique est imposée sans mesure de sécurité, cela pourrait affecter à la fois le bien-être des collaborateurs et leur productivité.

La semaine de 4 jours est en effet une réponse afin de mieux investir son temps de travail. Mais ce n’est pas la seule. Tristan Goguillot, Head of Product chez Lucca, évoque l’exemple de la quinzaine de 9 jours. Autrement dit : 4,5 jours une semaine sur deux. Kevin Bouchareb évoque aussi un rythme mensuel un peu plus innovant pour les directions comptables : la semaine de 3 jours, puis 4, puis 5 et la dernière pourrait être une semaine de 6 jours où les heures supplémentaires seraient nécessairement comptabilisées.

Il n’existe pas de recette miracle mais chaque entreprise peut trouver des solutions personnalisées qui feront davantage sens pour son organisation interne, son activité ainsi que pour ses collaborateurs.

Travailler moins et travailler mieux ?

En Occident, et particulièrement en France, nous cultivons malgré nous la culture du présentéisme. Le nombre d’heure travaillée est davantage valorisé, au détriment de l’originalité des idées ou la qualité du travail fourni, par exemple. En Suède, la vision est radicalement différente. Le concept de lagom implique une attention particulière à l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle. Il est perçu plus positivement de partir à 16h chercher ses enfants à la sortie d’école que rester tard au travail pour une nocturne, interprété comme un possible manque de productivité. L’un traduit un épanouissement personnel clair, l’autre témoignerait d’un manque d’efficacité ou d’organisation.

Cette vision suédoise nous questionne sur la flexibilité des entreprises au sens large. Faut-il encourager les salariés à partir plus tôt, par exemple ? Il est effectivement essentiel de définir un cadre commun pour que le collectif s’y réfère et puisse collaborer. Dans ce cas, “comment peut-on se synchroniser de façon collective lorsque les horaires ne sont pas forcément les plus adaptés pour tout le monde ?" s’interroge Charly Gaillard.

Ce à quoi Kevin Bouchareb offre une première piste de réponse :

“Il faut sacraliser les moments de collectif car l'ensemble de la journée de travail ne passe pas nécessairement par le collectif."

En effet, a-t-on besoin que chaque individu soit joignable sur l’ensemble des horaires de la journée ? S’il est nécessaire de combattre la réunionnite aigüe, n’en est-il pas de même avec la sur-disponibilité des collaborateurs ?

Les craintes sont légitimes mais l’entreprise est et restera une structure collective. Elle est nécessairement habitée par des rituels d’entreprise, qu’ils s’agissent de séminaires, de réunions stratégiques, d’ateliers de réflexion ou simplement des moments de team building. Mais pour que chaque individu touche son plein potentiel, une voie possible serait effectivement de conserver les moments collectifs nécessaires et donner davantage de poids au temps individuel qui favorise la performance.

Avec toutes ces réflexions, ne sommes-nous pas en mesure de mieux définir ce qu’est le travail ? L’anthropologue James Suzman propose la définition suivante : le travail est une dépense d’énergie pour atteindre un but précis. Cela questionne bien évident le travail non rémunéré mais peut-être surtout la façon dont nous dépensons notre énergie. Comment pouvons-nous nous redéfinir notre vision du travail afin qu’il ait davantage de sens ? Ces questionnement ne sonnent-ils pas le début de la 5ème révolution industrielle ?

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Community & Content Manager chez Beager

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